Quel avenir pour les plateformes de financement participatif en 2018?

Ça va vite dans le monde du numérique. En 2014, on parlait du financement participatif comme du modèle qui allait renverser l’économie de marché, en faisant place au partage et à la collaboration. Or, depuis près de deux ans, le financement participatif stagne. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’essouffle, mais le modèle que j’ai étudié, celui du don contre don, tourne en rond, tandis que le financement participatif en capital a le vent dans les voiles. Il y a plusieurs raisons à cela, mais commençons par les trois plus évidentes (à mon avis).

La blockchain : adieu les commissions

Parce qu’elle permet des transactions sécuritaires, rapides et moins onéreuses que chez les intermédiaires traditionnels, la technologie chaîne de blocs promet de transformer de nombreux secteurs, à commencer par la finance. Le financement participatif n’y échappera pas, mais il ne disparaîtra pas non plus. Au contraire, il est en train de participer à une nouvelle forme d’économie, la token economy, propulsée depuis un moment déjà avec l’ICO (Initial coin offering). Il s’agit du croisement du financement participatif tel qu’on le connait et de l’IPO (Initial public offering), l’opération désignant l’entrée en bourse.

L’ICO pousse plus loin les possibilités du financement participatif avec une collecte de fonds sur la blockchain, qui consiste à émettre une série de jetons échangeables contre des cryptomonnaies. Un entrepreneur peut donc collecter de l’argent rapidement auprès d’investisseurs particuliers ou professionnels, sans avoir à payer une commission à la banque ou à une plateforme de sociofinancement. Bien sûr, ce véhicule de financement ne convient pas à tous les créateurs ou entreprises, car le jeton, pour avoir de la valeur et être ultimement échangeable, doit avoir une utilité (dividendes sur profits réalisés, points de fidélité, actifs réels, droit de vote, etc.). Il faut également savoir que ces collectes de fonds sont risquées, car les ICO ne sont pas régulés. On dit que n’importe qui avec un porte-monnaie numérique peut y participer, mais c’est faux; il faut être un investisseur expérimenté et ne pas avoir peur de brûler ses fonds.

Est-ce qu’on peut s’attendre à voir des initiatives ICO dans le domaine culturel? Oui, et je prends pour exemple Vezt, une plateforme qui utilise la blockchain pour partager les droits de propriété et les redevances d’une chanson entre les artistes et leurs fans. Le 16 novembre dernier, Vezt a offert à 100 investisseurs la possibilité d’acheter une portion des droits de la chanson Jodeci Freestyle enregistrée par Drake. L’événement s’est conclu deux semaines plus tard avec 2,8 millions de jetons VZT vendus, pour une valeur de 1,38 million de dollars (US). L’entreprise relancera prochainement l’opération pour 27 autres chansons. À suivre, comme on dit.

À lire : la blockchain, une technologie sur mesure pour la pensée complexe

Le problème de l’attention : coucou, j’existe!

Je n’apprends rien à personne en disant qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir de l’attention « organique » sur le web et les médias sociaux. À moins d’avoir une grande communauté engagée (et encore), il faut réserver un budget pour la promotion de la campagne, qui servira notamment à l’achat de publications sponsorisées sur Facebook, Instagram ou Twitter. Mais l’argent n’est pas tout : la création de contenus (textes, photos, vidéos) est impérative, et ça prend un plan de communication. C’est beaucoup de travail pour le jeune entrepreneur ou l’artiste qui travaille seul.

Obtenir de la visibilité pour une création en devenir, qui plus est dans un univers saturé de productions culturelles gratuites, est probablement le plus grand défi des porteurs de projet en sociofinancement. Que le modèle de financement et ses plateformes participent à l’autonomie de ce dernier, en lui offrant de nouvelles possibilités de production « à faire soi-même », cela est possible. Or, il paraît impossible qu’il obtienne de l’attention sans avoir un certain capital social au préalable (contributeurs autant que collaborateurs), et je ne saurais trop insister sur l’importance des récompenses, qu’on doit considérer comme des hameçons; plus les gens mordent à la récompense, plus il y a de connexions avec le projet principal et donc, plus celui-ci circule et peut espérer la reconnaissance.

M’est avis que les plateformes qui veulent se démarquer vont devoir veiller, une fois pour toutes, à mieux outiller leur clientèle, que ce soit par la formation en médias sociaux et écriture web, ou en assurant la publicité des campagnes, avec l’option d’une offre premium par exemple. Pour que le sociofinancement demeure une avenue de financement attrayante et pertinente, les représentants des plateformes devront attaquer cette problématique de plein front. Sinon, à quoi bon payer une commission de 8% quand il sera possible d’héberger un projet sur une plateforme blockchain, plus sécuritaire et à moindres frais?

L’image de l’amateur

Le sociofinancement souffre d’une méconnaissance et d’idées reçues, et cela se traduit par un effort constant de communication pour les porteurs de projet, qui doivent, par ailleurs, affronter les représentations négatives à leur sujet. Il y a notamment celle de l’artiste amateur, dont le travail n’est pas suffisamment bon pour être rentable. Les créateurs en sociofinancement en sont parfois conscients, et conséquemment, gênés, ils s’abstiennent de faire la grande promotion de leur campagne. Ce malaise affecte très probablement le travail de mise en visibilité de leur projet sur le Web.

Sans m’étendre trop longuement sur le sujet des représentations du sociofinancement (j’y reviendrai, c’est trop important), je dirais que le modèle souffre de l’amateurisme qui se reflète particulièrement dans la piètre qualité de certaines présentations de projet (fautes d’orthographe, images pixélisées, titres flous, etc.). Les pages de projet devraient témoigner d’un professionnalisme redoutable et je m’explique mal comment certaines d’entre elles peuvent se retrouver en ligne. Peut-être que la création de contenus soignés contribuerait à « professionnaliser » la démarche? Voilà une bonne résolution pour 2018!

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