Il est 14 h quand nous nous rencontrons sur Teams, c’est-à-dire 19 h en « heure ressentie » pour Anne-Sophie Jobin qui est recherchiste à Québec Matin (LCN). Son quart de travail se termine quand la plupart d’entre nous commencent à penser au lunch.
Mais Anne-Sophie n’est pas en mode farniente-fin-de-journée, au contraire; elle prépare l’enregistrement d’un épisode de Ça fait l’tour, un balado qui propose un tour de l’actualité dynamique et condensé pour gens pressés ou marcheurs de fin de soirée. Et comme son boulot principal, Ça fait l’tour est une émission quotidienne.
Ouf! Intense, non?
« En tant que recherchiste à LCN, je vois passer les nouvelles. À la fin de la journée, faire un résumé de 10 minutes, ce n’est pas si pire que ça! Ce n’est pas comme si je passais d’un métier à un autre en une journée. »
Bon point. Pour mener un projet parallèle à un emploi à temps plein sans s’épuiser, ils doivent être assez proches l’un de l’autre.
Mais ça prend plus que cela pour nourrir la motivation.
Une idée qui répond à des besoins clairement identifiés
Avant d’entreprendre un side projet, il est recommandé d’identifier un besoin auquel il pourra répondre. Ç’a l’air évident dit comme cela, mais ce n’est pas le cas. D’ailleurs, définir le besoin est parfois plus difficile que l’idée elle-même.
Anne-Sophie a eu de la chance : ses amis lui ont offert ce « besoin » sans trop d’effort.
« Je trouvais qu’ils n’étaient pas informés et que ça faisait dur! Je leur demandais : ‘’pourquoi vous ne vous informez pas?’’ On me répondait que c’était trop long, qu’on ne savait pas où aller. Certains m’ont dit que s’il y avait un format simple, quelques minutes d’actualités à écouter chaque jour, ils embarqueraient. »
C’est ainsi qu’elle a identifié son public cible. Cool. Maintenant, il fallait lui répondre dans le bon format : 10 minutes maximum. À part Flash info de Radio-Canada (2 minutes), la concurrence est quasi nulle pour ce type de format au Québec. Très cool.
Optimisation du talent
Pour se retourner sur un dix cennes tous les jours dans une émission matinale et enchaîner avec le balado en fin de journée, il faut aussi être motivé par l’atteinte d’un objectif personnel. Être capable de répondre clairement et sans hésitation à la question suivante : « pourquoi? »
Pour Anne-Sophie, ça part d’un coup de coeur pour la radio.
« Je devais faire mon stage à Global News pendant l’été, mais à cause de la pandémie, le stage a été annulé. J’ai fait des démarches de dernière minute et j’ai obtenu un stage à distance à la radio, au FM93. J’ai eu la piqure », explique-t-elle.
Après son stage, plutôt qu’attendre un contrat les bras croisés, elle a décidé de se faire les dents sur un balado.
« Je voulais trouver un moyen de continuer à parler derrière un micro. Un ami m’a contacté en me disant qu’il travaillait pour une petite boite de podcasts, Balado.fm, et que cette boite cherchait des personnalités capables de donner un bon show. »
Il est impressionnant de voir à quel point Anne-Sophie saisit bien les impératifs de notre époque qui nous poussent – qu’on le veuille ou non – à devenir des « entrepreneurs de soi », par exemple en menant des projets qui font augmenter notre valeur professionnelle. Dans certains cas, les sides projects remplacent les CV.
« En me pratiquant, je développe ma petite couleur, parce que c’est aussi ça, le journaliste, selon moi. C’est plus que de la livraison de nouvelles. On dirait que je me découvre en faisant cela. »
Son expérience fait écho aux conclusions de l’étude « Web-créatifs freelance : de l’auto-discipline au management de soi ».
Bien qu’on s’intéresse aux travailleurs autonomes et pigistes du numérique, la partie sur l’optimisation de soi à travers des activités connexes mérite qu’on s’y attarde :
Se former en permanence, s’ouvrir, apprendre sont mentionnés par nos participants à l’enquête qui semblent avoir intégré l’idée de leur vie comme un « work-in-progress, une œuvre de perfectionnement permanent de soi ».
Comme le dit l’un d’entre eux, qui dispose à la fois d’un statut de salarié et d’autoentrepreneur : « Une seule vie professionnelle ne peut pas suffire à remplir un homme, ça peut être une prison, il ne faut pas être unidirectionnelle… on est appelé à devenir une œuvre vivante et tout y participe : le travail, les enfants, les relations avec les autres… »
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Équilibre travail-vie personnelle et l’importance de l’entourage
Ok, mais… comment on organise ça, la production d’un balado en parallèle d’un boulot à temps plein?
« Le matin, c’est LCN. Ensuite, je vais au gym, puis je reviens et je termine à 17 h. Je pense que j’ai beaucoup d’énergie comme personne! Mais les week-ends, je ferme tout, donc j’ai 48 heures pour reprendre mes énergies et je rester loin de mon cellulaire. »
Anne-Sophie suit le conseil que lui a donné son père, le présentateur-journaliste et animateur Pierre Jobin : « quand tu gères bien ton temps, tu peux tout faire. »
Vrai. Plus tard dans notre conversation, elle ajoute : « mais des fois, je ne décroche pas, je fais un appel à 20 h parce qu’une nouvelle est tombée… mais je trouve que je suis dans l’âge pour faire ça. Je n’ai pas d’enfants, je n’ai pas d’engagement, j’ai juste moi à m’occuper et je bâtis ma carrière. Quand j’aurai 35 ans, si ç’a bien été et que j’ai fait les bons moves, je vais pouvoir être plus relax, peut-être! »
Oh que ça m’a fait réfléchir. Oui, les side projects sont sans doute plus difficiles à poursuivre en vieillissant, lorsqu’on doit s’occuper des enfants ou des proches, mais… d’un autre côté, quand la carrière est bien établie et qu’on gagne du temps grâce au télétravail, peut-être que le projet passion peut trouver sa place? Du moment que le rythme soit confortable, non?
Je reviens au père, car en plus de contribuer au balado avec le segment « la citation de papa », il est d’un grand soutien pour Anne-Sophie.
Un mentor en or.
« Son avis est toujours très important. Au début, il m’aidait avec mes tournures de phrases : tu aurais pu dire ça comme ça, et ici, ça aurait pu être plus court… Quand il me donne son avis, c’est toujours très bon et je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs [pour la rétroaction]. »
Le futur de Ça fait l’tour
Pour l’instant, le balado est porté par une équipe de trois personnes, mais d’autres personnes pourraient éventuellement se joindre au projet. « Je me dis qu’il y a plein de jeunes journalistes qui commencent, qui ont une belle façon de s’exprimer… Mais il faut le faire grossir avant », précise Anne-Sophie.
Prochaine étape : en faire la promotion et aller chercher des partenaires. Vous en entendrez donc parler bientôt!
À plus long terme? « J’aimerais qu’il devienne populaire et que je puisse en vivre. Ah! Et peut-être que j’ajouterai des formats vidéo. »
Bonne idée. Je verrais bien un Ça fait l’tour sur TikTok.